SHX Interview: STF, Marseille


Quand et comment en es-tu venu au pochoir?
Mon parcours est semblable à celui de bon nombre d'autres acteurs de la scène pochoiriste. A l'époque, durant les années 80, toute l'imagerie de la scène punk ou alternative transpirait le Do It Yourself et le côté trasch du pochoir. Je baignais dedans, mais je n'y faisais pas attention, ça faisait partie des meubles, de mes meubles ... Puis, en 2002, j'ai été initié au medium qu'est le pochoir par un autre artiste pluridisciplinaire, Rnest des OCT. J'adorais le côté rock'n'roll et répétitif du truc. Tu as besoin d'une flèche pour indiquer le chemin d'un concert, et tu as le moyen le plus simple et le moins coûteux entre les mains. Puis je me suis vite pris au jeu de la complexité du sujet ... Mais par chez moi, le pochoir n'a pas forcement la belle vie. Le graffiti est présent partout et la place est devenue rare. J'ai bossé aussi pas mal sur les stickers, mais pas de visibilité non plus. Et comme la peinture se nourrit du regard du spectateur, alors je me suis plutôt tourné vers la "toile". En me décollant le nez du mur et en travaillant de plus en plus régulièrement, j'ai pu prendre du recul et du temps pour essayer de comprendre le pochoir. Et à force d'erreurs et de livres sur l'art, j'avance petit à petit et construis mon univers...


Pourrais-tu décrire ton travail dans ses grandes lignes?
Je cherche à faire rentrer un peu de rue dans la toile, et de trouver de la matière. Donc je m'en vais décoller des pans entiers d'affiches de concerts ou autres à travers la ville. Il faut rester vif et présent car le recouvrement d'un fond intéressant peut se passer à tout moment, et je suis entièrement tributaire du travail des colleurs et de la programmation de la ville. Je m'en sers comme paysage de fond et toujours tel quel, même avec ses défauts de collage...
Ensuite question pochoir, je reste dans le noir et blanc, l'impact reste plus visible sur un fond coloré. Je déforme certaines parties du visuel, histoire d'attirer l'oeil sur un ou plusieurs points. Là, en ce moment, je travaille autour du corps. Les mains et le corps en général me fascinent...
Je cherche aussi à mettre de la profondeur dans le pochoir, et m'inspire donc de certains peintres de la Renaissance qui ont eu les mêmes problèmes que moi pour passer de l'aplat à la perspective.
Et j'allais oublier... l'utilisation de la typographie. Qui pourrait se suffire à elle-même, mais qui peut aussi renforcer le message/visuel en tant que texte ou paysage pictural. Et comme le pochoir sert le graphisme depuis bien longtemps (comme pour le montage des premières affiches, le travail des calques servant de matrice aux pochoirs couleur) il me semble que la typo a sa place légitime au coté du pochoir. D'autant que certaines polices sont très esthétiques et renforcent encore plus le sujet.


Quels sont les cinq artistes au sein de toute l'histoire de l'art qui t'inspirent le plus?
Cinq? Bon allons y ... en numéro Un: Ernest Pignon Ernest pour la pureté du dessin et le message comme un état des lieux socials et apolitique. Ensuite à la volée: Arman et ses répétitions de motifs, Duchamp et son implication DADA à l'esprit d'enfance, le jeu avec les convenances et les conventions, le rejet de la raison et de la logique, Rancillac et toute la Figuration Narrative, et son utilisation de la bd, de la photo, de la pub, Lichtenstein pour son sytle traits épais, ses couleurs franches, ses masques à trame et le mouvement Pop, et ... on a dit qu'on s'arrêtait à 5 c'est bien ça? Bon alors un dernier pour la route Mantegna, juste pour sa maîtrise de la perspective et du trompe-l'oeil.


Tu te consacres entièrement au pochoir aujourd'hui; quel est ton secret?
Je crois qu'il n'y a pas de secret ... je suis au pied du mur, donc obligé d'aller de l'avant ... J'ai tout lâché pour la peinture, sans regrets mais sans aide financière non plus. Donc il n'y a que le travail et l'acharnement qui font avancer. Dès que je peux je me mets au travail. Après-midis et soirs sont généralement consacrés à la découpe et à la peinture. La matinée est réservée pour m'imprégner comme une éponge de musique, de lecture ou autre, afin de produire dans l'après-midi. Je me programme aussi un calendrier d'expo assez chargé ce qui m'oblige à un certain rythme. Cela donne une évolution au niveau des sujets et de la méthode, et une progression aux travaux.
Mais surtout je garde le plaisir de peindre, parce que les moments de doute sont tels que si tu ne prends pas ton pied à composer ou à jouer du cutter, ça devien trop dur ...


Peux-tu me décrire l'endroit où tu travailles? As-tu un atelier?
Tout simplement, j'ai une chambre chez moi qui s'est transformée en atelier. Avec toutes les tâches et le bordel que ça peut comporter ... mais aussi avec la facilité de pouvoir écouter de la musique tout le temps, de ne pas avoir à faire la poussière, et surtout j'aime peindre la nuit, donc une fois fini je peux aller m'écrouler dans mon lit avec les doigts pleins de peinture. C'est pratique, mais pas forcement évident de travailler solo. Ca implique de la rigueur pour se mettre au travail quelquefois. Et bien sur le plus difficile reste d'avoir du recul sur ce que je fais, et vers ce quoi je vais. L'effet de groupe peut avoir des vertus d'émulation et apporter de l'ouverture, de la nouveauté et d'autres points de vue. Le mieux serait un atelier collectif à la maison, beaucoup plus stimulant, ça tente des gens?


Quelle est ton attitude par rapport à la rue?
La rue par chez nous est entièrement recouverte de peinture. Je crois que les gens sont blasés tellement tout est peint. il n'y a rien d'autre à faire qu'attendre. Attendre qu'un bon graffeur pose une belle pièce, ou qu'un tag plus abouti embellisse ta devanture. Je respecte ce coté de la rue. Sans problème.
Mais j'ai préféré trouver un moyen de sortir le pochoir de ce magma de couleur et d'invisibilité, pour le replacer sous les yeux du passant et qu'il soit amené à lui provoquer une réaction. C'est pour ça que je cherche des lieux où le spectateuer est plus apte et plus disposé à prendre son temps et à apprécier. Je préfère choisir des lieux populaires, dans les deux sens du terme. Plutôt qu'en galerie qui reste plus élititste. Et pour ne pas perdre le lien avec la rue j'intègre pans d'affiches ou mobilier urbain, ce qui rappelle implicitement celle-ci. Et un autre aspect de la ruie aussi, c'est que tu n'as pas forcement le temps de travailler et tu ne dois penser à rien d'autre qu'à être rapide, simple et efficace une fois sur le terrain. Et je prends de plus en plus de plaisir à peindre du coup sur des plans, comme des festivals ou des perfs'...


Quel est le premier pochoir de rue que tu aies découvert
Impossible de me rappeler ... Quoique ... mais c'était pas dans la rue à proprement parler. C'était sur un blouson cuir, genre perfecto, customisé par un punk. Il me semble que cela devait être le visu des Exploited, tu vois le genre, couleur rouge sur fond noir. Trop la classe!


in Stencil History:
http://www.stencilhistoryx.com/2009/06/11/shx-interview-stf-marseille/